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Edgar Degas
1834-1917

Le premier catalogue raisonné numérique

par Michel Schulman, expert

Degas à l'Opéra au musée d'Orsay du 24 septembre 2019 au 19 janvier 2020

Si l'année 2017 avait ignoré le centième anniversaire de la disparition d'Edgar Degas, nous assistons en 2019-2020 à une magistrale séance de rattrapage avec l'exposition que lui consacre le musée d'Orsay...

Depuis la rétrospective de 1988-1989 à Paris, Ottawa et New York, de multiples expositions ont marqué, à leurs manières, l'œuvre de l'artiste. Pour exemples, nous retiendrons : Die Portraits en 1995, Degas and the Dance en 2002-2003, Degas and the Nude en 2011-2012, Degas: A New Vision en 2016-2017 et enfin  Degas, Danse, Dessin en 2017-2018.

Danseuse à l'exercice, Degas 1881-1883, fiche MS-1225

Délaissant les habituelles rétrospectives, les expositions se tournent vers des thèmes spécifiques, dont Degas à l'Opéra est le dernier exemple. Bien que la rétrospective garde tout son sens dans la mesure où elle présente l'ensemble d'une œuvre dans sa progression chronologique - et logique -,  cette formule commençait à s'essouffler. Les expositions thématiques apportaient, elles, un nouveau regard et une approche originale des sujets choisis.

L'idée d'une exposition sur Degas et l'opéra n'était pas nouvelle. Comme nous l'avons souligné, Degas and the Dance avait tracé la voie en 2002-2003. Mais une quinzaine d'années plus tard, une nouvelle exposition sur le même thème était opportune en rapport avec le 350ème anniversaire de l'Opéra de Paris. La musique, l'opéra, la danse : Degas devait leur consacrer toute son œuvre. Réfutant la peinture du paysage de ses "amis" impressionnistes, il partage néanmoins leur anticonformisme. Mais là s'arrête son partage car Degas est le peintre d'un autre monde, celui de l'intime calfeutré dans de chaleureux velours et décors de l'opéra, entouré du bruissement des tutus des jeunes danseuses, des bassons aux sons graves et des vibratos des violons de l'orchestre en répétition.

Les œuvres de Degas représentant stricto sensu l'orchestre de l'Opéra sont relativement peu nombreuses. On en dénombre au plus une dizaine provenant essentiellement de collections publiques. Elles forment justement le cœur de l'exposition et en justifient le titre. Et c'est par ces belles pages que commence l'exposition du musée d'Orsay. On sait que Degas peint en atelier à partir de nombreux croquis échappés de l'opéra. A chaque fois, comme un leitmotiv, il dessine les musiciens vus principalement de dos, tassés les uns contre les autres. Ce qui tend bien à prouver qu'il ne peint pas la réalité comme on le voit dans L'Orchestre à l'Opéra (musée d'Orsay) où les musiciens regardent vers la droite une scène improbable. Qu'il s'agisse des deux Ballet de Robert le Diable du Victoria and Albert Museum, Londres et du Metropolitan Museum, New York, mais aussi des Musiciens du Städel Museum, Francfort, on retrouve la même mise en page et le même agencement. Et rarement une vision pleine et entière des danseuses nous est proposée.

Une autre page de l'exposition s'éloigne des instrumentistes de la fosse d'orchestre pour nous présenter un tout autre sujet : les danseuses en répétition ou à l'exercice. On reste à l'opéra avec tous les tableaux du même thème de la Phillips Collection, du Fogg Art Museum, de la National Gallery de Washington et de la Burrell Collection de Glasgow. Les danseuses s'exercent et s'étirent autour d'un espace central laissé vide comme pour mettre en relief les parquets aux larges rainures qui marquent l'espace. Dans d'autres tableaux de la même veine, Leçon de danse (National Gallery, Washington),  Danseuses au foyer (Metropolitan Museum, New York), Dans une salle de répétition (National Gallery, Washington) et une autre Danseuse au foyer (Detroit Institute of Art), Degas choisit un format inhabituel - en largeur - pour les présenter. D'aucun parle d'une vision  photographique, ce que prouve sa future passion pour cet art naissant.

Le dernier volet qui est plus que largement représenté dans Degas à l'Opéra est celui des danseuses. Ont-elles été croquées à l'Opéra ou en atelier ? Difficile d'en confirmer exactement l'origine. Il y a tout lieu de supposer que les esquisses ont été exécutées sur place et, qu'en revanche, les pastels aboutis relèvent de son atelier. Par leurs couleurs vives - jaune, bleu, vert, rose - on sent bien que Degas entend écrire une nouvelle page et laisser derrière lui sa passion pour Ingres. Car la cécité dont il se plaint dès 1870 le rattrape et l'oblige à se réfugier dans la couleur. Cette exposition marque un tournant et prend sa place parmi les événements majeurs consacrés à l'œuvre de Degas ces dernières années.

Degas à l'Opéra :

Musée d'Orsay, Paris, 24 septembre 2019-19 janvier 2020

National Gallery, Washington, 1er mars-5 juillet 2020

Commissaires de l'exposition : Henri Loyrette, Marine Kisiel, Leïla Jarbaoui

https://www.musee-orsay.fr/

Publication : 07-10-2019